Madame la chroniqueuse, je ne peux m’empêcher de réagir à votre récent article intitulé, «J’en ai marre des négociations» où vous exprimez votre désarroi face aux négociations entre le gouvernement et les grandes centrales syndicales pour le renouvellement des conditions de travail dans la fonction publique. Vous affirmez que c’est toujours la même chose, les mêmes discours, les mêmes menaces, et que les véritables enjeux ne sont pas abordés. Permettez-moi de vous apporter quelques clarifications et de souligner quelques points importants que vous semblez méconnaître.
Tout d’abord, du côté syndical, nous ne doutons pas des résultats du Front commun des centrales syndicales, car l’histoire nous a appris que la solidarité syndicale permettait d’obtenir des avancées significatives pour les travailleuses et les travailleurs. Certes, les négociations du secteur public sont toujours politiques et donc tendues, mais il est erroné de prétendre que c’est la même chose qu’il y a quelques décennies. Dans les années 90, nous négociions pour sauver des emplois dans le cadre de la politique de déficit zéro, et le gouvernement de l’époque proposait des retraites anticipées et un gel des embauches. Aujourd’hui, c’est davantage l’attraction et la rétention du personnel qui est en jeu.
Il est essentiel de bien comprendre le cadre, certes complexe, dans lequel se déroulent des négociations. Si le Front commun négocie ensemble pour les aspects salariaux et les retraites, chaque fédération syndicale négocie à d’autres tables pour les conditions de travail propres à leurs membres, car il est vrai que les 420 000 fonctionnaires ne vivent pas tous la même réalité au quotidien. La diversité des corps de métier et des enjeux ne signifie pas que la solidarité est inefficace. Au contraire, elle renforce la capacité de négociation collective. Dans le même esprit, il est également faux de prétendre que seul le salaire intéresse les membres de nos organisations, bien au contraire! Les profs et les infirmières, comme l’ensemble du personnel de nos institutions publiques, souhaitent parler de leurs tâches quotidiennes, c’est d’ailleurs ce qui donne du sens à notre travail dans le secteur public. Malheureusement, trop souvent, des impératifs de performance prennent le devant sur l’objectif de fournir des services de qualité à la population. Les «vraies affaires», comme vous le dites, sont bien plus complexes et hétérogènes qu’on ne tente trop souvent de le présenter au public.
Vous affirmez également que cette fois-ci, il y a des dimensions politiques, économiques et sociales. Cependant, ces dimensions font partie intégrante de toutes les négociations entre les employées et les employés du secteur public et le gouvernement depuis des décennies. Par contre, si des personnes qui s’expriment dans l’espace public font circuler des informations douteuses, voire fausses, cela ne contribue en rien à la résolution des conflits.
Par ailleurs, vous évoquez l’inflation comme un enjeu majeur. Il est important de noter que l’inflation n’affecte pas tout le monde de la même manière. L’Institut de la statistique du Québec a d’ailleurs mis en avant l’écart salarial persistant entre le secteur public et le reste du marché du travail. Augmenter les salaires de celles et ceux qui se lèvent tous les matins pour rendre service au monde n’est pas seulement une question de compensation face à l’inflation, mais aussi de réduction de cet écart et de reconnaissance.
En conclusion, je vous invite à mieux vous informer sur le fonctionnement des négociations syndicales et à éviter de propager des idées préconçues et des informations trompeuses. Les enjeux sont multiples et complexes, et il est essentiel de les aborder avec rigueur et précision. Si, comme vous le dites, on peut faire dire beaucoup de choses aux chiffres, ne laissons pas faire la même chose avec les lettres, car cela ne sert ni les travailleuses et travailleurs, ni la société dans son ensemble.