Par Silvie Lemelin pour le CCF de la FEC
L’article 99 du projet de loi 64, Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels, adopté le 21 septembre 2021 est entré en vigueur le 22 septembre 2022. Il vient modifier la loi P-22.1 adoptée en décembre 2017, la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur. Ainsi, le nouvel article 4 de cette loi doit se lire comme suit :
- L’établissement d’enseignement peut communiquer à une personne les renseignements nécessaires en vue d’assurer sa sécurité. À la demande de la personne ayant déposé une plainte, l’établissement d’enseignement doit lui communiquer les renseignements relatifs aux suites qui ont été données à la plainte, soit l’imposition ou non d’une sanction ainsi que les détails et les modalités de celle-ci, le cas échéant. (C’est nous qui soulignons.)
Ce texte de la Loi sera mis à jour éventuellement, mais il s’applique déjà, et chacune des politiques des cégeps doit donc être modifiée dès maintenant, si ce n’est pas déjà fait, pour en tenir compte.
Comme les politiques des cégeps doivent être révisées au moins tous les 5 ans (art. 11 de la Loi), il pourrait être opportun, dans certains cégeps, selon la date à laquelle la politique locale a été adoptée par le CA, d’en profiter pour faire une révision de l’ensemble de la politique.
Certaines directions de cégep vont peut-être vouloir faire signer une entente de confidentialité à la personne plaignante avant de lui communiquer les renseignements relatifs aux suites données à la plainte, surtout s’il y a eu sanction. Est-ce utile, nécessaire? Absolument pas. Ce type d’entente n’est pas prévu à la loi. Et une direction qui refuserait de communiquer les informations à la personne plaignante si cette dernière refusait de signer une entente de confidentialité agirait alors contrairement à la loi. Il faut savoir aussi qu’une personne plaignante qui ferait circuler sur les médias sociaux ou autrement ces renseignements encourt toujours le risque d’une poursuite pour libelle diffamatoire. En soi, cette possibilité devrait être suffisante pour éviter que la personne plaignante diffuse à mauvais escient, dans l’intention de nuire, les informations obtenues. L’informer oralement, avec délicatesse, de ce risque devrait donc suffire à restreindre ses élans.
D’un point de vue féministe, enfin, il est tout à fait justifiable qu’une personne qui a dûment porté plainte puisse connaître les résultats de sa démarche. La voix des femmes ne doit plus être effacée ni scellée derrière un mur de silence. Les politiques ne doivent pas accorder une place démesurée au droit à la vie privée et à la confidentialité des personnes accusées et reproduire ainsi les rapports de pouvoir antérieurs. Car à ces droits des accusé.e.s, on peut opposer la liberté d’expression et le droit à la sécurité des personnes ayant vécu ou étant susceptibles de vivre des violences à caractère sexuel. Enfin, le but des politiques est de lever les obstacles que rencontrent trop souvent les victimes, certainement pas d’en ajouter. C’est pourquoi on peut attendre des directions, comme des syndicats, qu’elles et ils n’exigent pas de telles ententes de confidentialité. Appliquons la nouvelle disposition de la loi, évitons le zèle excessif.