Dans la page éditoriale du journal Le Devoir du 6 février dernier, Marie-André Chouinard accuse notamment les professeurs de cégep et d’université d’hésiter à mettre la main à la pâte afin de permettre aux étudiants de retrouver un semblant de normalité par un retour partiel en classe, laissant entendre que ces enseignants se refusent à s’investir pour la réussite des jeunes, alors que d’autres se donnent « corps et âme depuis les premiers jours de la pandémie » (« Éducation – L’univers parallèle »). Une telle lecture est non seulement erronée, mais également insultante pour les professeurs que nous représentons.
Rappel des faits : alors que le Québec était mis sur pause à la mi-mars 2020, les professeurs de cégep ont amorcé l’enseignement en ligne dès la première semaine d’avril. Cela impliquait de revoir complètement la matière, les travaux et les examens, et ce, pour deux, voire trois préparations différentes — les professeurs enseignant plusieurs titres de cours dans une session.
Rappelons également que, pour bon nombre de ces professeurs, cet important remaniement qui comportait, on s’en doute, son lot de défis technopédagogiques, s’est réalisé avec de jeunes enfants à la maison puisque CPE et écoles étaient tout autant mis sur pause. Le personnel enseignant a pourtant poussé à la roue, tout comme à l’automne 2020.
Rappelons ici que ceux qui avaient alors prévu un enseignement hybride (alternant présence et distance) rendu possible par la « couleur » de leur zone d’appartenance ont également dû remanier à nouveau stratégies pédagogiques et calendrier au fil de la dernière session afin de s’adapter aux aléas d’une éclosion, voire d’un passage en zone rouge. Et ce, une fois de plus, pour deux, voire trois titres de cours différents et pas forcément les mêmes que ceux de la session précédente. Les professeurs de cégep ont donc amplement donné dans « l’adaptation aux conditions difficiles », notre nouveau « sport national », et n’ont en rien démérité à ce chapitre !
Alors que s’amorce la session d’hiver 2021 et qu’on demande aux professeurs de modifier une fois de plus l’organisation pédagogique tout juste peaufinée afin de permettre un retour partiel en présentiel, des questions que nous estimons légitimes s’imposent face aux conditions de réalisation d’un tel objectif que nous considérons bien sûr comme un pas vers un retour à une normalité hautement désirée.
Qu’en est-il de la planification logistique nécessaire pour ce retour graduel à la présence étudiante ? De la capacité des professeurs à revoir en catastrophe leur enseignement et leurs stratégies pédagogiques à l’aune de l’enseignement comodal (simultanément en présence et à distance) ? De l’existence même de l’équipement nécessaire à ce type d’enseignement dans les classes ? De la ventilation des lieux ? Autant de questions auxquelles il importe de répondre avant d’ouvrir toutes grandes les portes des cégeps. Et de plonger, une fois de plus, les professeurs dans un tourbillon d’imprévus et de stress qui en découle. Un stress vécu depuis près d’un an par le personnel enseignant des cégeps et qui n’est pas sans provoquer son lot de détresse psychologique, comme l’ont révélé de récents sondages.
Est-ce vraiment trop demander que de réclamer un peu de temps d’adaptation et des réponses concrètes à nos questions ? Les professeurs de cégep n’ont pas démérité depuis mars dernier, et la moindre des choses serait de souligner leur contribution à « l’avenir souriant de toute une belle jeunesse » plutôt que de les accuser à tort de vivre dans un univers parallèle.