La capacité de payer, un choix politique

16 novembre 2020

*Réflexions en marge de la mise à jour économique du ministère des Finances le 12 novembre 2020

Lucie Piché, présidente de la FEC-CSQ, lors du comité d'accueil CSQ organisé à l'occasion de la mise à jour économique, 12 novembre 2020.

Il y a maintenant plus d’un an que nous avons déposé notre cahier de demandes syndicales. Un an que nous avons déposé des demandes afin d’améliorer les conditions d’exercice de notre profession. Nous sommes par ailleurs sans convention collective depuis sept mois, soit depuis le 1er avril dernier. Sept mois, en pleine crise sanitaire — et rien ne bouge !

Rien ne bouge, et ce, malgré les nombreuses rencontres de table où la partie patronale écoute sans jamais faire de gestes significatifs pour améliorer divers aspects de notre convention collective, et ce, même pour ce qui est des demandes sans incidence financière.

Négocier de bonne foi
Il est temps pour le gouvernement de négocier de bonne foi afin de nous permettre de nous consacrer aux urgences, soit d’assurer les services publics. Pour les profs de cégeps que nous sommes, cela signifie d’assurer la prestation de nos cours, derrière nos écrans, à des étudiantes et des étudiants qui en arrachent, atomisé.e.s, de l’autre côté de l’écran. C’est ce que nous avons fait dès la fin du mois de mars dernier et que nous continuons de faire, jour après jour.

Nous naviguons dans ces eaux troubles depuis trop longtemps ! Il est temps pour le gouvernement d’investir dans l’humain et pas seulement dans le béton. Et s’il faut parler chiffres, s’il faut parler rendement économique, rentabilité et bien parlons-en : toutes les études le démontrent ! Quand on examine l’impact des investissements sur le PIB, on constate qu’investir dans les services publics rapporte davantage que d’investir dans les infrastructures, le secteur minier ou celui de la construction. À preuve ! Un dollar investi dans l’éducation rapporte 1,25 $ alors que le même dollar investi dans le génie civil ne rapporte que 1,03 $. L’équation est simple, non ?

Ces données sur l’impact des investissements gouvernementaux sur le PIB nous arrivent d’une analyse des données de Statistique Canada, un organisme qu’on ne peut guère accuser d’être trop idéologiquement positionné à gauche. Le gouvernement doit améliorer la qualité des services publics. La crise sanitaire a d’ailleurs eu pour effet de mettre tristement en lumière l’effet catastrophique du sous-investissement des dernières années en santé. Il faut renverser la vapeur et le temps presse !

La tâche enseignante s’est pour sa part beaucoup alourdie depuis 10 ans en raison, notamment, de l’augmentation phénoménale de la diversité des parcours étudiants et des caractéristiques des populations étudiantes. La composition de la classe en a été transformée, induisant un encadrement plus serré et la révision de nos stratégies pédagogiques afin d’assurer la réussite du plus grand nombre.

L’alourdissement se fait sentir également en raison des avancées de la technopédagogie et du numérique, un univers dans lequel nous nous retrouvons complètement immergé.e.s avec la crise sanitaire, mais qui faisait déjà l’objet, ces dernières années, de perfectionnements trop souvent effectués pendant les vacances estivales. Nous avons besoin de temps et d’un meilleur soutien financier pour nous approprier toutes ces nouvelles facettes de l’enseignement.

Il faut bien sûr mieux baliser la formation à distance et reconnaitre que, même en dehors de la pandémie, cette forme d’enseignement a ses exigences particulières et prend davantage de temps. C’est ce que les profs du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie vivent depuis longtemps — une situation qu’il faut pouvoir reconnaître adéquatement afin d’ajuster le calcul entourant la charge d’enseignement en conséquence.

Pour un milieu de travail sain et stimulant
Il faut aussi pouvoir offrir un milieu de travail sain et stimulant en améliorant la situation des profs précaires, notamment pour celles et ceux qui enseignent à la formation continue et qui vivotent d’un contrat mal payé à l’autre, sans possibilité de stabilisation. Un milieu de travail sain et stimulant en multipliant par ailleurs les mesures de conciliation famille-travail et en prenant soin de la santé de nos profs.

Autant de demandes qui étaient pertinentes lorsque nous les avons soumises au gouvernement l’an dernier. Des demandes qui sont encore plus pertinentes à la lumière de la crise sanitaire dans laquelle nous sommes plongé.e.s et qui ne fait qu’exacerber la dégradation de nos conditions de travail. Les injections financières supplémentaires que vient par ailleurs d’annoncer le ministre des Finances lors de sa mise à jour budgétaire du 12 novembre dernier risquent d’être malheureusement sans effet significatif sur la tâche hivernale tant les sommes prévues sont minces et les balises encore trop floues pour nous permettre d’espérer un réel allègement pour la prochaine session.

Le gouvernement doit bouger. Il a les moyens et les marges financières pour agir comme l’a bien démontré la CSQ dans sa campagne sur les finances publiques du Québec (lequebecalesmoyens.lacsq.org). Le gouvernement doit agir et il doit le faire maintenant en se rappelant que la capacité de payer est un choix politique !