Lucie Piché, présidente de la FEC-CSQ
Dans une lettre adressée aux directions de cégeps et datée du 26 mars 2020, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Jean-François Roberge, invite ces dernières à « prendre les mesures qui s’imposent pour mener à terme la session d’hiver 2020 » tout en proposant certains assouplissements au Règlement sur le régime des études collégiales (RREC). Si nous considérons que la décision du gouvernement de fermer les établissements scolaires au moins jusqu’au mois de mai est sage considérant la pandémie mondiale liée au coronavirus, l’obligation de terminer la session à distance soulève quant à elle de nombreux problèmes.
Cette annonce a d’ailleurs provoqué une onde de choc dans le réseau collégial, notamment parce qu’elle affecte directement nos perspectives de travail ainsi que l’organisation de notre conciliation famille-travail au cours des prochaines semaines, voire des prochains mois. Dans la situation de crise que nous vivons actuellement un tel virage est-il une mission possible ? Rien n’est moins sûr.
La formation à distance soulève en effet de très nombreux écueils, tant pédagogiques (un cours ne peut pas être transformé du jour au lendemain) que technologiques (tout le monde n’a pas accès aux mêmes outils), comme a pu en témoigner le message du Syndicat des professeures et professeurs de la Télé-université.[1] Afin de contourner ces problèmes dans les autres réseaux, les examens ministériels du primaire et du secondaire sont annulés et les enseignantes et enseignants sont appelés à évaluer l’atteinte des compétences pour le passage au niveau suivant. Dans le milieu universitaire, notamment à l’UQO et à l’UQAR, la formation à distance a été écartée aux profits d’autres dispositions.
Dans le réseau collégial, les directives de la direction ont varié d’une institution à l’autre depuis la fermeture des cégeps, situation qui a apporté son lot de défis et de pressions pour le personnel enseignant. Dans un tel contexte, les assouplissements annoncés au RREC par le ministre Roberge le 26 mars constituent un premier pas permettant de limiter la concurrence et les iniquités, tant pour le personnel enseignant que pour les étudiantes et étudiants du réseau collégial. Ces modifications au RREC font en partie écho aux préoccupations que nous avons fait parvenir au ministre Roberge, à ses adjoints et fonctionnaires, ainsi qu’à Bernard Tremblay, président de la Fédération des cégeps.
Au nombre des assouplissements apportés au RREC que nous saluons, soulignons notamment la modification du calendrier scolaire qui permet de réduire la session de 15 à 12 semaines, la redéfinition de la notion de « cours » incluant désormais les travaux dirigés, la possibilité d’obtenir un « incomplet » plutôt qu’une mention « échec » en cas d’abandon ou, encore, la mention d’équivalence plutôt qu’une évaluation chiffrée. Nous croyons cependant que les nouvelles directives ministérielles demeurent incomplètes et ne résolvent pas tous les problèmes soulevés par cette exigence de terminer la session à distance. Par exemple, en ce qui a trait à l’évaluation des cours, il reviendra encore à chaque institution, voire peut-être à chaque département, programme ou membre du personnel enseignant, de déterminer si l’évaluation finale sera chiffrée ou simplement assortie d’une mention de réussite (équivalence), ce qui ne peut qu’induire un sentiment d’iniquité.
De plus, les assouplissements proposés ne permettent pas de résoudre tous les problèmes, notamment ceux liés à la complétion des stages ou l’accès aux équipements nécessaires pour de nombreux programmes techniques. Si nous croyons fermement qu’il revient au personnel enseignant de déterminer les activités pédagogiques nécessaires à la poursuite des cours et à revoir les modalités d’évaluation, il n’en demeure pas moins que d’autres précisions seront indispensables afin que les professeures et professeurs puissent dessiner tant les contours de la session que l’organisation de leur vie personnelle. Malgré cela, les discussions qui ont cours entre les divers partenaires du réseau collégial, dont la FEC, permettent de mettre en relief les nombreux problèmes que soulève la prolongation de la fermeture de nos lieux de travail et de suggérer des solutions à mettre en œuvre. L’assouplissement du RREC, même imparfait, en constitue la pierre d’assise.
Pour l’heure, il faut cependant éviter de se précipiter vers ce qui peut apparaître comme des solutions miracles qui ne sont peut-être que mirages compte tenu des contraintes importantes qui pèsent tant pour le personnel enseignant que pour les étudiantes et étudiants. Il nous faut plutôt nous armer de patience afin de trouver les bonnes avenues à emprunter pour la suite des choses et, surtout, faire preuve de bienveillance et de solidarité, tant entre nous qu’envers la communauté étudiante et, plus largement, envers l’ensemble de la population.
[1] https://spptu.teluq.ca/lenseignement-a-distance-periode-de-pandemie/