Lucie Piché, présidente de la FEC-CSQ
Alors que la négociation 2020 débute cette semaine avec une véritable séance de négociation, les propositions que la Fédération des cégeps a dévoilées dans le contexte des consultations prébudgétaires du gouvernement sont pour le moins inquiétantes, voire carrément alarmantes.
Déjà, on pouvait reconnaître dans le dépôt patronal du mois de décembre plusieurs demandes de nos directions visant à laminer nos prérogatives et notre autonomie professionnelle. La volonté patronale de retirer toute obligation de consultation en matière de changements technologiques et de développement de nouveaux modèles d’enseignement (formation à distance) ou, encore, la demande visant à s’approprier nos prérogatives sur le perfectionnement, en sont des exemples frappants. Le transfert de ressources et de fonctions des départements vers les programmes en est un autre, puisque ce transfert aura pour effet de miner les espaces de collégialité que sont les assemblées départementales, ces lieux où se définissent nos tâches et notre organisation du travail.
La sortie publique du 17 janvier dernier de la Fédération des cégeps dans le cadre des consultations prébudgétaires sonne cependant véritablement l’alarme quant aux orientations que préconise la partie patronale! On peut notamment y lire, au sujet des solutions mises de l’avant face aux enjeux de la réussite et des étudiantes et étudiants en situation de handicap (EESH), que la « solution réside dans la mise en place d’équipes multidisciplinaires chargées de l’implantation de pratiques d’enseignement à impact élevé ». Composées « d’enseignants-ressources, de conseillers pédagogiques » et d’autres membres du personnel non enseignant, ces équipes auraient pour mandats de promouvoir les meilleures pratiques, tant dans nos relations avec les étudiantes et les étudiants, que pour nos pratiques pédagogiques, nos méthodes d’évaluation et tutti quanti… Il s’agit ni plus ni moins que d’un double affront. Premièrement, au regard des prérogatives départementales dont il fut question plus haut. Deuxièmement, parce nous sommes en négociation et que la partie patronale ne peut décider unilatéralement d’un tel changement dans nos pratiques. Dans un cas comme dans l’autre, c’est une vision hiérarchique de l’organisation du travail qu’on tend clairement à nous imposer, un déni du fonctionnement collégial qui constitue pourtant l’une des forces de notre réseau.
Après l’idée saugrenue des forums qui remettent quasiment en cause la liberté de négociation et d’association, comme l’a bien démontré récemment le professeur Grenier, et les dépôts patronaux méprisants de décembre dernier, cette prise de position de la Fédération des cégeps lève définitivement le voile sur ses réelles intentions. Les discussions à la table de négociation s’amorcent cette semaine sur le thème de la conciliation famille-travail (CFT) et nous espérons quant à nous des échanges constructifs. La partie patronale a peut-être dévoilé les cartes qu’elle entend jouer, mais notre comité de négociation ne manquera pas de lui signifier que celles-ci sont à mille lieues de répondre à nos demandes en matière de pleine reconnaissance de notre expertise et l’exercice de notre autonomie professionnelle. Les négociations débutent à peine, mais avec ces perspectives patronales en toile de fond, parions que les mises au point devront être fréquentes, notamment pour rappeler notre appartenance à l’enseignement supérieur.