Le jeudi 21 mars dernier, le gouvernement Legault déposait son premier budget, un exercice hautement politique très attendu. À première vue, et peut-être de manière surprenante, la CAQ augmente les dépenses publiques en santé et en éducation, et reconnaît ainsi l’importance des services publics. Toutefois, est-ce que les montants alloués, qui accompagnent les mesures annoncées, sont à la hauteur des besoins des milieux? Qu’en est-il plus concrètement pour les cégeps?
Alors que la Fédération des cégeps applaudissait « au réinvestissement en éducation », les fédérations étudiantes considéraient pour leur part que le budget ne contenait « aucune mesure pour calmer la grogne des stagiaires ». Quant à elle, la CSQ considérait, à juste titre, qu’avec « un surplus annoncé de 1,1 milliard de dollars de plus que prévu », la réinjection de 230 millions en éducation n’était pas un geste suffisant… sans compter les critiques exprimées envers le projet de maternelles 4 ans et l’absence de mesures environnementales répondant à l’urgence climatique.
Quel budget pour les cégeps?
En ce qui a trait plus spécifiquement aux cégeps, le budget 2019 prévoit une augmentation du financement de 5,3 %. Cela représente 103 millions de dollars, sur les 2 milliards alloués pour le fonctionnement du réseau collégial pour l’année 2019-2020. Or, pour être en mesure de bien évaluer ces données, deux éléments importants sont à prendre en considération. Premièrement, un minimum de croissance des dépenses ne signifie pas automatiquement un réinvestissement. En effet, comme pour nos dépenses personnelles, de nombreux frais de fonctionnement régulier des cégeps augmentent d’une année à l’autre, comme le prix de l’électricité ou du chauffage, par exemple. Qualifiée, dans le jargon, de « coûts de système » et incluant également les augmentations salariales, une augmentation de 3 à 4 % permet donc uniquement de poursuivre les activités normales de nos établissements. À ce titre, l’augmentation salariale à venir le 2 avril et acquise grâce au rangement 23 constitue une reconnaissance de notre travail au sein de l’enseignement supérieur et non pas un réinvestissement.
Deuxièmement, rappelons que le comité d’experts sur le mode de financement des cégeps, qui a déposé son rapport final en décembre dernier, concluait qu’un ajout de 68 millions de dollars était nécessaire pour « couvrir l’ensemble des besoins » identifiés, notamment le soutien à la réussite, la stabilité du financement et le soutien aux petits cégeps. Le financement de ces besoins permettait certes de réparer en partie les pots cassés de l’austérité, or le gouvernement annonce que seulement 29 millions seront consacrés à y répondre. De plus, ajoutons que les « ressources » enseignantes (le volet E du FABES, toujours dans le jargon) ne faisaient pas partie du mandat du comité.
Maintien des coûts de système et remise à niveau du financement constituent donc deux limites importantes qui permettent de mieux évaluer l’augmentation de 5,3 % du budget alloué aux cégeps. Selon nous, il ne s’agit là que d’un début de réinvestissement qui devra se répéter au cours des prochaines années pour prendre véritablement son sens. Or, on nous annonce déjà des pourcentages d’augmentation moindres pour les prochaines années du gouvernement caquiste… alors que nous serons en période de négociation!
Le montant, la manière et le ministre
Outre le montant, il y aura la manière. Et pour bien comprendre comment ces sommes vont être utilisées, il est nécessaire d’attendre la publication du régime budgétaire et financier des collèges 2019-2020 dont les règles ont un effet structurant sur les activités des institutions collégiales. À titre d’exemple, ce régime précise les allocations ciblées, que ce soit pour les bâtiments, l’internationalisation, le soutien aux étudiantes et aux étudiants en situation de handicap (EESH), le financement des petites cohortes, etc. Rappelons que la FEC a présenté un ensemble de revendications dans le cadre des consultations du comité d’experts et que nous serons donc particulièrement vigilants lors de la mise à jour du régime budgétaire.
Si nous devons prendre en considération ces nouvelles mesures dans le cadre de la ronde de négociation qui s’amorce, force est de constater dès à présent qu’il nous restera du chemin à parcourir pour répondre aux besoins déjà exprimés par les enseignantes et enseignants que nous avons pu rencontrer lors de la première consultation de notre tournée de négociation. Pour y arriver, nous devrons notamment tout mettre en œuvre pour que le ministre des « maternelles » et de l’Éducation soit aussi celui de l’enseignement supérieur.