Il y a 50 ans jour pour jour, la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel était sanctionnée, le 29 juin 1967, donnant ainsi officiellement naissance à la proposition la plus audacieuse des rédacteurs du rapport Parent. C'est cet acte de naissance des cégeps que nous souhaitons célébrer aujourd'hui.
La création des cégeps est une belle illustration de la Révolution tranquille. Il est en effet audacieux d'avoir encouragé, notamment par la mise sur pied de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec, le passage de collèges classiques privés, religieux et non mixtes à des institutions publiques, laïques, ouvertes aux filles comme aux garçons, mais également aux jeunes de toutes les régions et de toutes les origines sociales.
Certes, le contexte des années 60 s'y prêtait. Entre l'explosion démographique, les transformations économiques et les revendications pour plus de justice sociale, de nombreux ingrédients étaient réunis pour implanter d'importantes réformes éducatives. Toutefois, des 12 cégeps qui ouvrirent leurs portes en 1967 aux 48 établissements existants aujourd'hui, le modèle demeure unique car il réunit dans un même lieu, mais également dans un ensemble de cours de formation générale, des jeunes aux origines et aux aspirations diverses.
Cette ouverture des cégeps s'est traduite par une augmentation et une diversification importantes de la population étudiante. Alors que seulement un peu plus de 14 000 jeunes étaient inscrits lors de la première rentrée scolaire, le réseau collégial public compte aujourd'hui plus de 165 000 étudiantes et étudiants dont la majorité sont des filles, alors qu'elles étaient minoritaires à la rentrée de 1967.
Population étudiante
La population étudiante de 2017 est toutefois fort différente de celle d'il y a 50 ans. Les enseignantes et les enseignants peuvent le constater au quotidien face à des groupes de plus en plus hétérogènes. Outre la croissance des étudiantes et étudiants en situation de handicap (EESH), la baisse démographique, le déplacement vers les milieux urbains ainsi que la présence de jeunes issus de l'immigration constituent autant de phénomènes qui se reflètent dans nos classes. Et que dire de l'impact de l'utilisation des nouvelles technologies!
Du rôle de l'État orienté de plus en plus vers la satisfaction des besoins du marché mondial aux rapports sociaux de plus en plus inégalitaires, le cégep d'aujourd'hui n'évolue plus dans le même contexte.
Commandite d'une salle de sport par des chaînes de restauration rapide, vente de formation à des groupes privés dans des pays en voie de développement, valorisation de l'entrepreneuriat plutôt que des sciences humaines sont autant d'illustrations frappantes de cette transformation que plusieurs qualifient de marchandisation de l'éducation. L'approche client et la mise en compétition des établissements ont d'ailleurs favorisé ce développement douteux. Le financement public d'un réseau privé, tant au secondaire qu'au collégial, participe également de ce mouvement qui nuit à la démocratisation du système d'éducation québécois.
Devant ces constats et les enjeux auxquels nous aurons à faire face collectivement au cours des prochaines années, tels que la révolution numérique ou le nécessaire renforcement de la cohésion sociale, nous en appelons à un changement de perspective. Comme ils ont été le symbole de l'égalité des chances, les cégeps devront être les porte-étendards du bien commun, c'est-à-dire d'une vision de l'intérêt général favorisant la cohésion sociale sur l'ensemble du territoire et entre les individus de toutes origines sociales et culturelles. C'est d'ailleurs sur ces bases que nous construisons notre implication syndicale et enseignante.