En cette rentrée scolaire hivernale, il est nécessaire de souligner l’importance d’instaurer une véritable démocratie dans le réseau collégial face à des modèles autoritaires qui, trop souvent, prévalent actuellement dans les institutions d’enseignement comme dans la société québécoise.Le rouleau compresseur des mesures d’austérité imposées ces dernières années a provoqué un effritement de la vie démocratique collégiale en fragilisant les milieux de travail par des coupes souvent aveugles, déstructurant d’autant les équipes de travail. Bénéficiant de moins de marge de manœuvre, les petits cégeps ont d’ailleurs été particulièrement touchés par les coupes et les compressions. Ce déficit démocratique n’est cependant pas propre au milieu collégial comme on peut le constater à la lecture du texte que François Desrochers et Philippe Hurteau publiaient récemment dans Cinq chantiers pour changer le Québec. Dans un article intitulé « Démocratie », les auteurs soulignent que « l’adoption de politiques d’austérité, la réduction des instances de participation citoyenne dans les institutions publiques et dans la planification du développement régional ainsi que le durcissement des positions patronales dans les relations de travail participent du même mouvement de rétrécissement démocratique » (2016 : p. 35-36).
Le réseau collégial dispose pourtant de structures où peuvent se vivre des pratiques démocratiques de concertation et d’autonomie, tels les assemblées départementales, les comités de programme ou la Commission des études. Toutefois, le développement récent de politiques managériales issues de la nouvelle gestion publique, tablant notamment sur la gestion par l’atteinte de résultats, l’assurance-qualité et, partant, d’une plus grande reddition de comptes, a laminé progressivement ces espaces de concertation, instaurant une gestion plus autoritaire.
Renforcer également la concertation à l’échelle locale
L’année 2017 permettra de vérifier si cette tendance se poursuivra. Dans le milieu collégial, nous serons ainsi à même de mesurer le degré d’ouverture des directions locales quant à l’inclusion du personnel enseignant, du personnel professionnel et de soutien dans les discussions entourant l’implantation de projets visant à soutenir les étudiantes et étudiants en situation de handicap (EESH). Pour l’heure nous ne pouvons que dresser un portrait mitigé de l’utilisation des 10 millions octroyés en marge de la dernière négociation. Plusieurs directions préfèrent en effet opérer sans trop de concertation, alors que certains ont même des pratiques qui vont à l’encontre des dispositions de la convention collective, notamment sur la question des frontières régissant le champ de compétence des corps d’emploi. En allouant aux directions collégiales des sommes non régies par la convention collective, le gouvernement favorise par ses décisions l’effritement des lieux de concertation, ce qui contribue à accentuer les tensions dans les milieux de travail, tout en retardant parfois même l’élaboration de projets pourtant essentiels à la réussite éducative des cégépiennes et des cégépiens. Ce dossier illustre comme bien d’autres les tendances lourdes des dernières années en matière de nouvelle gestion publique. Face à cela, il faut plus que jamais renforcer les espaces décisionnels afin de favoriser l’établissement de rapports horizontaux entre les personnels de cégep et ainsi faire en sorte que toutes et tous puissent contribuer à l’orientation des politiques collégiales.
Une ministre à l’écoute du milieu collégial ?
Nous devons également nous interroger sur les décisions que prendra la ministre responsable de l’enseignement supérieur, Madame Hélène David, à la suite des consultations menées l’automne dernier quant à la création d’un Conseil des collèges et des modifications au Règlement sur le régime d’enseignement collégial (RREC). Plusieurs regroupements du milieu éducatif, dont les différentes fédérations du réseau collégial affiliées à la CSQ, ont émis d’importantes réserves sur certaines des modifications proposées, craignant notamment que la notion même de réseau collégial, déjà malmenée par l’introduction des compétences locales, subisse un nouveau coup de boutoir par l’ajout de nouvelles compétences locales et la création de DEC par modules, altérant d’autant la valeur du diplôme national. Plutôt que d’arrimer la formation aux besoins immédiats des entreprises locales, il s’avère primordial d’offrir une formation large, qualifiante et transférable afin que la main-d’œuvre de demain ne soit pas soumise aux aléas de la conjoncture des économies régionales. La ministre saura-t-elle être à l’écoute du milieu collégial
Osons espérer que les consultations à venir sur les violences sexuelles dans le milieu de l’enseignement supérieur soient empreintes d’un même souci démocratique et débouchent sur la mise en place de programmes d’éducation et de prévention collés à la réalité, comme le réclame la grande majorité des milieux concernés par cette question, dont le Comité de la condition des femmes de la FEC.
La consultation favorise certes la vie démocratique, mais pour ce faire, il faut qu’un réel souci d’intégrer les préoccupations du milieu soit au rendez-vous. Notre employeur ultime étant l’État, n’est-il d’ailleurs pas de son devoir d’entamer un réel dialogue avec le personnel des services publics et parapublics ? Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons bâtir concrètement un milieu de travail animé par des pratiques démocratiques où prime le souci de la concertation et de la collaboration.