Inégalités et éducation : quelle égalité des chances ?

1 octobre 2014

Auparavant réservée à l’élite, l’école a ouvert ses portes à toutes et à tous grâce à l’adoption de politiques éducatives progressistes. Au Québec, l’adoption de la grande Charte de l’éducation en 1961 puis la création du ministère de l’Éducation en 1964 et la mise en place des polyvalentes, des cégeps et du réseau de l’Université du Québec marquent un véritable tournant. Alors que la fréquentation scolaire des jeunes de 13 à 16 ans passe de 65 % au début des années soixante à presque 100 % à la fin des années soixante-dix, la population étudiante universitaire passe quant à elle de 7 % à 45 % entre 1960 et 2012. Cette nouvelle accessibilité pour toutes et tous à l’éducation publique visait en grande partie à favoriser l’égalité des chances, c’est-à-dire la possibilité pour chacun de s’instruire et de se qualifier peu importe son sexe ou son origine sociale et culturelle. L’objectif poursuivi a-t-il atteint? La croissance phénoménale des effectifs scolaires, du primaire à l’université, laisse croire que oui. Cependant, est-ce que tous les groupes de la société en ont profité de la même manière?

Depuis la réponse négative et radicale, mais toujours pertinente, de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron (1970), à l’effet que l’école justifie la reproduction des inégalités sociales plutôt qu’elle ne favorise la mobilité sociale intergénérationnelle, plusieurs études sont venues affiner les connaissances sur le sujet. La démocratisation quantitative de l’accès à l’éducation, le pourcentage de jeunes d’une génération faisant partie de la population étudiante, a été distinguée de sa démocratisation qualitative, c’est-à-dire l’égalité des chances d’y avoir accès et d’obtenir un diplôme. Au Québec, plusieurs études, notamment celles de Dandurand (1980) et de Sales (1996) et, plus récemment de Kamanzi, Doray et Laplante (2012) sont venues rappeler qu’il restait encore du chemin à parcourir pour réaliser l’objectif d’égalité des chances d’accéder à l’université. Les groupes les plus favorisés de la société y ayant toujours davantage accès. Le même type de conclusion a été fait concernant la période de la scolarité obligatoire. Le chercheur Pierre Lapointe (2014) constate ainsi la persistance d’une différence de diplomation au secondaire entre les milieux favorisés et défavorisés.

Face à ces constats, il est apparu que l’égalité des chances d’accéder à l’école était insuffisante pour assurer l’égalité des chances d’avoir accès à un diplôme. Le système éducatif ne parviendrait pas à effacer les effets des inégalités sociales et culturelles sur les parcours scolaires des individus. Afin de mieux en saisir les causes, outre l’impact de l’évolution des inégalités sociales, plusieurs chercheurs se sont intéressés à ce qui se passait dans l’ensemble de l’organisation scolaire. L’effet établissement, l’effet classe ou l’effet maître ont notamment été analysés et ont permis de démontrer l’influence des différentes politiques et pratiques éducatives sur les acquis des élèves (Mons, 2008 et Gauthier, 2004).

Les décisions gouvernementales ont donc un double impact sur le parcours scolaire des individus, de leur accès à leur diplomation. D’une part, en ayant la possibilité de répartir de manière plus ou moins juste les ressources au sein de la société, elles agissent sur les capacités des familles à soutenir les jeunes. D’autre part, en modelant le système éducatif, ces décisions vont également en favoriser ou en défavoriser certains. Nous proposons ici de présenter un bref portrait de l’état de l’égalité des chances. L’influence de l’origine sociale et culturelle, du genre, mais également de certaines politiques éducatives propres au Québec sera tour à tour prise en considération.

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Source : Revue Vie économique