L’enseignement supérieur doit devenir une priorité budgétaire, dit la CSQ

20 août 2018

Le financement des cégeps et des universités doit demeurer «stable et prévisible» tout en correspondant aux besoins réels des populations étudiantes, a martelé la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), lundi matin. L’organisation donnait son point de presse préélectoral en début d’avant-midi, à quelques jours seulement du déclenchement de la campagne provinciale.

Alors que s’entame cette semaine le retour en classe de plusieurs étudiantes et étudiants, ce sont cinq leaders syndicaux qui étaient réunis à l’Usine C pour réclamer que l’enseignement supérieur devienne «une priorité budgétaire permanente, après des années de compressions et de réduction».

«Les étudiants ne bénéficient pas des services et de l’offre de formation auxquels ils ont droit, a soutenu la présidente de la CSQ, Sonia Éthier. Du côté du personnel, la majorité de nos membres vivent de la précarité et il y a un alourdissement persistant de leur tâche.»

La leader syndicale a demandé au prochain gouvernement d’être réaliste, en fournissant du personnel et des ressources en nombre suffisant. «Est-ce qu’on devra revivre le cauchemar de l’austérité? a-t-elle questionné. L’approche comptable en éducation, ce n’est pas une solution, donc ça prend un investissement important. C’est essentiel sur le plan social, culturel et économique.»

Les syndicats ont ensemble rappelé que le manque à gagner au niveau collégial, entre 2011 et 2016, s’est chiffré à près de 155M$, selon les données de la Fédération des cégeps. Au niveau universitaire, ont-ils ajouté, on parle de près de 2G$, selon des données de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université.

«Le réseau a besoin d’un financement stable et récurrent, a avancé la présidente de la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (FEC-CSQ), Lucie Piché. C’est plutôt l’inverse que l’on observe ces deux dernières années avec l’augmentation des enveloppes dédiées à des projets spécifiques, une tendance qui fragilise d’autant le réseau après le désinvestissement massif des années d’austérité.»

«Nous mesurons chaque jour la portée des enjeux. Nous avons des solutions à proposer et nous voulons construire un réseau qui répond aux besoins», a insisté Sonia Éthier, s’adressant directement aux politiciens qui sont «sur la ligne de départ».

Des révisions, de l’inclusion
À l’unanimité, les porte-paroles syndicaux ont imploré l’État québécois de procéder à une révision du mode de financement en enseignement supérieur. «Il y a déjà un comité mis en place par la ministre [Hélène] David, mais on attend toujours les résultats, alors qu’on nous avait promis un premier rapport au printemps», a déploré Mme Piché.

La présidente de la FEC-CSQ craint même que le rapport final du comité, qui doit être remis en octobre, soit oublié et perdu à travers les élections. «Il importe qu’on entende les recommandations qui vont être émises. Tous les partenaires s’entendent sur une nécessaire révision, c’est primordial», a-t-elle tranché.

À ses dires, il faut du même coup enfin s’attarder au financement du télé-enseignement, un modèle qui se développe «à la vitesse grand V actuellement». «On nous a annoncé des sommes, mais on ignore ce qui arrivera après le 1er octobre. Ça prend une formation qualifiante pour un marché du travail qui est en complète restructuration à cause de cette révolution numérique», a-t-elle noté, soulignant au passage qu’il en va de même pour les programmes de stages et les établissements situés en région, trop souvent «négligés» selon elle.

Sur place, la vice-présidente de la Fédération du personnel professionnel des collèges (FPPC-CSQ), Élise Poudrette, a pour sa part pointé une augmentation importante, à la hauteur de 25% par année en moyenne, du nombre d’étudiants en situation de handicap dans les populations étudiantes.

«Ils sont plus de 20 000 au collégial en ce moment, mais le financement qui y est dédié ne permet pas de répondre à leurs besoins, a-t-elle dénoncé. Les nouveaux arrivants, les étudiants étrangers ou autochtones, les jeunes en difficulté d’adaptation, ils ont tous des besoins différents. Quand ils ont des problèmes, ça demande une intervention précoce en santé mentale.»

Qu’il s’agisse d’accompagnement financier, d’aide à l’intégration, de cheminements scolaires adaptés ou de soutien psychosocial, chaque moyen mis en œuvre mérite un financement équivalent à la demande, a-t-elle ajouté.

Du personnel de soutien à revaloriser
Derrière la qualité de l’enseignement offert aux étudiants, on retrouve bien souvent le personnel de soutien des cégeps et des universités. «Essentiel à la réussite», celui-ci est pourtant négligé actuellement, estime la présidente de la Fédération du personnel de soutien de l’enseignement supérieur (FPSES-CSQ), Valérie Fontaine.

«Il n’est pas normal de téléphoner dans une université ou un cégep pour se rendre compte que le poste d’agent à la réception a été coupé, s’est-elle indignée. On se rend compte que la tâche a été transférée dans un autre département, que le remplaçant n’est pas formé et qu’il subit une surcharge de travail.»

Successives et inconscientes, ces coupes causent chaque année plusieurs départs hâtifs à la retraite et plusieurs congés de maladie pour épuisement dans le personnel de soutien, a-t-elle plaidé.

«Il faut arrêter de croire que les tâches peuvent être interchangeables entre les différentes classes d’emploi. C’est plus de 140 secteurs de travail qu’on représente. C’est une expertise qui doit être impliquée lorsqu’il s’agit de compressions.»

Son collègue du Regroupement des syndicats universitaires (RSU-CSQ), Vincent Beaucher,  a abondé dans le même sens. «On a vu une baisse drastique du nombre de chargés de cours dans les dernières années, et ça a un impact énorme sur les étudiants à la maîtrise ou au doctorat qui financent leurs études en enseignant, a-t-il donné en exemple. Ces professionnels écopent de la volonté de faire davantage appel au privé.» Selon lui, le constat est à peu près similaire pour les professionnels de recherche en ce moment.